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Quand les cellules leucémiques s’évadent pour résister : Prix Hélène Stark 2020 et deux autres prix de la Fondation ARC pour un travail de Thomas Farge
Au sein de l’équipe 18 du Centre de Recherches en Cancérologie de Toulouse (dirigée par Jean-Emmanuel Sarry et labellisée Ligue Nationale contre le Cancer), un projet de thèse, soutenu par la Fondation ARC, part à la recherche des cellules leucémiques les plus résistantes aux traitements. Cette étude se penche sur un mécanisme de résistance qui, jusqu’ici, avait été ignoré : les cellules leucémiques sont capables de coloniser de nouveaux organes afin d’éviter l’action de la chimiothérapie. Ce travail de thèse en cotutelle entre le CRCT (sous la direction de Florence Cabon ) et Stromalab (sous la direction de Audrey Carrière-Pazat) a obtenu le prix Hélène Stark et le second prix Kerner de la Fondation ARC lors de la 24ème Journée Jeunes Chercheurs (JJC) en Cancérologie qui s’est déroulées le lundi 30 novembre 2020. Thomas Fage a également obtenu le prix coup de coeur des donateurs lors de cette journée pour ses travaux de thèse. Ce projet est financé par la Fondation ARC pour la recherche contre le cancer, la Fondation Toulouse Cancer Santé avec le projet BADIPAML, ainsi que le cancéropôle Grand sud Ouest.
Questions réponses sur son travail
Comment en êtes-vous venu à étudier les leucémies aiguës myéloïdes ?
C’est en 2015 que cela commence. J’intègre l’équipe de Jean-Emmanuel Sarry au Centre de Recherche en Cancérologie de Toulouse en tant qu’ingénieur. Pendant 2 ans et demi, je vais participer à la finalisation d’un travail de recherche visant à étudier les mécanismes de résistances aux chimiothérapies dans les leucémies aiguës de la moelle osseuse (dites myéloïdes), le « cancer du sang » le plus fréquent chez l’adulte.
On découvre alors que ces cellules leucémiques ont besoin de lipides pour alimenter leur machinerie « énergétique » afin de survivre au stress de la thérapie. Associé à cela, on observe que « CD36 », une protéine qui transporte les lipides de l’extérieur vers l’intérieur des cellules, est beaucoup plus présente dans les cellules leucémiques ayant résisté à la chimiothérapie que dans celles qui y sont sensibles. Il n’y avait qu’un pas pour affirmer que ce transporteur était le principal responsable de cette résistance…
Cibler cette protéine au moment de la chimiothérapie pourrait aider à éradiquer les cellules leucémiques ?
C’était l’hypothèse de départ et c’est pour cela que je me suis lancé dans une thèse, afin de connaître le rôle exact de cette protéine CD36 dans la chimiorésistance. Pour cela, j’ai étudié des cellules de leucémies aiguës myéloïdes ayant, ou non, cette protéine. Après un an de travail, seulement une petite partie des expériences obtenues venaient confirmer cette première hypothèse sans pour autant la valider. C’est un autre résultat qui allait nousdirigerversnotrehypothèseactuelle: dans des souris servant de modèles de leucémies, lorsque CD36 est absent, nous observons une améliorationdela duréedevieaprès traitement. Et cela, sans observer de différence de masse tumorale dans leur moelle osseuse (organe où se développent normalement ces cellules). Il nous a alors semblé que la progression de la maladie pouvait être favorisée par des populations de cellules cancéreuses en dehors de la moelle osseuse. Comme si ses cellules se cachaient ailleurs pendant la chimiothérapie pour revenir lorsque les conditions leurs sont plus favorables.
Quel rôle pourrait jouer la protéine CD36 là-dedans ?
Lorsque l’on regarde l’ensemble des études portant sur CD36, on découvre que cette protéine est impliquée dans de nombreux mécanismes. Dans d’autres cancers, il a été montré que CD36 était responsable du développement des métastases (ces cellules cancéreuses ayant réussi à se déplacer et à coloniser un autre organe). Nous avons donc testé cette hypothèse et nous avons ainsi montré que les cellules leucémiques ont une capacité de migration accrue lorsque celles-ci ont la protéine CD36. Ainsi ces cellules vont pouvoir sortir de la moelle osseuse et coloniser d’autres organes.
Une fois en dehors de la moelle osseuse que font ces cellules ?
Les résultats récents que j’ai obtenu montrent que CD36 permettrait la migration des cellules de la moelle osseuse pour coloniser, entre autres, les tissus adipeux (ou graisse corporelle). Ainsi les cellules cancéreuses, avec l’aide de CD36, auraient un accès quasi illimité en lipides, leur permettant de mieux résister aux traitements et finalement recoloniser la moelle et entrainer la rechute du patient. Ces résultats sont très encourageants puisque CD36 étant à la surface des cellules, il est très facile à cibler. Cela nous permet d’espérer de voir un jour apparaître un traitement ciblant les cellules les plus résistantes aux traitements actuels.
Thomas Farge, PhD Student
Équipe METAML “Métabolisme et Résistance Thérapeutique Dans Les Leucémies Aiguës Myéloïdes” Direction Jean-Emmanuel Sarry